Non les biothérapies ne sont pas des produits bio !!
Prudence d’usage sur l’usage du terme biothérapie
Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de médicament dit « biothérapies », notamment pour traiter de très nombreuses pathologies chroniques. Mon propos ici n’est pas de juger ces médicaments, mais de lever une confusion autour de l’usage du préfixe « bio » !! Car rien n’est moins « naturelle » ou bio que les biothérapies ! Décryptage d’un ingénieur biochimiste ayant évolué de nombreuses années dans le marketing médical…
Les biothérapies en médecine allopathique : qu’est-ce que c’est ?
Les biothérapies sont des protéines issues d’organismes vivants (bactéries, cellules eucaryotes) appelés « organismes recombinants » parce qu’ils sont manipulés génétiquement pour produire des protéines-médicaments. On parle donc de bio-médicaments.
Historique des biothérapies
L’insuline recombinante humaine, produite dans les années 80 par des micro-organismes est la première biothérapie. Cependant, cette terminologie n’était pas employée à l’époque. C’est au tournant du 21e siècle que va commencer à apparaître ce que l’on appelle les biothérapies aujourd’hui dans le monde médical. Le premier grand succès commercial (fin des années 90) est celui du médicament Herceptin utilisé dans certains types de cancers du sein, conduisant à un grand progrès dans leurs pronostics. Depuis des dizaines de molécules, « biothérapies » ont obtenu leur AMM (Autorisation de Mise sur le Marché)
Une révolution thérapeutique ?
Dans certaines prises en charge, les médecins parlent de révolutions thérapeutiques. C’est le cas avec des maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, les spondylarthrites ankylosantes, la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique, le psoriasis, la dermatite atopique… Ces biothérapies permettent dans ces pathologies d’obtenir une disparition parfois importante des symptômes invalidants (par exemple un « blanchiment » total dans les psoriasis sévères). D’autres biothérapies sont aussi devenues incontournables en ophtalmologie pour traiter la DMLA par exemple, avec des « succès thérapeutiques » spectaculaires (toujours symptomatiques). L’asthme, le lupus, l’ostéoporose, la SEP et bien d’autres pathologies ont également « leurs biothérapies » avec des rapports-bénéfices/risques parfois plus modérés. Le domaine de l’oncologie a été largement le cadre du développement des biothérapies: mélanome, cancer du poumon, leucémie, cancer colorectal, tumeur cérébrale…Et de n’est qu’un début! Il existe plusieurs centaines de bio-médicaments en développement actuellement dans les domaines suivants : cancérologie surtout, mais aussi maladies infectieuses, maladies auto-immunes, sida, diabète, neurologie, pathologies digestives…
Une terminologie pour le moins trompeuse
Les biothérapies sont souvent des molécules glycoprotéiques complexes appelées anticorps monoclonaux qui ont des sites d’actions spécifiques dans la physiopathologie concernée (bloque un récepteur membranaire, bloque un médiateur cellulaire de l’immunité, etc.). C’est ce mode d’action spécifique qui explique qu’on les appelle aussi des thérapies ciblées. Mais on emploie aussi le terme de bio-médicaments, ou médicaments biologiques. Et depuis peu aussi le terme de biosimilaire est très présent dans la littérature médicale (les biosimilaires sont les produits « génériques » des biothérapies puisque certains brevets sont déjà tombés dans le domaine public). Ainsi, ces médicaments qui sont ni plus ni moins des produits issus d’OGM se retrouvent tous avec le préfixe Bio ! De quoi créer une certaine confusion!
Beaucoup de patients interrogés sur ce type de produit pensent évidemment que ce sont des produits « naturels ». D’ailleurs, le célèbre généticien Axel Kahn (tombé bien bas pendant la crise du Covid, en critiquant ouvertement sa principale disciple Alexandra Henrion-Caude) entretient la confusion en présentant les « médicaments biothérapies » comme une continuité historique des productions de la nature : « Les plantes, toutes les substances naturelles, qui sont les premiers médicaments à avoir été utilisés, sont des biothérapies. Et puis les biothérapies ont commencé à devoir encore plus à l’action de l’homme… »
Les biothérapies sont des molécules à délivrance hospitalière (au moins initialement pour certaines) …. ce ne sont donc pas des plantes professeur Kahn !!
Le terme « biothérapie » en naturopathie/micronutrition
Cette confusion « les biothérapies ce sont des produits naturels, bio » est d’autant plus gênante que le terme biothérapie est aussi utilisé par les naturopathes pour les produits issues de la nature qu’ils conseillent. Ainsi, sur Internet on trouve des centaines de pages avec l’utilisation du terme « biothérapie ». Terme générique pour : plantes, élixirs floraux, minéraux, gemmothérapie, huiles essentielles, eaux florales, probiotiques, algues…et mêmes massages !! On trouve parfois le terme de « biothérapie naturelle », sans doute pour essayer de les distinguer des « biothérapies de synthèse ». Ce pléonasme est par exemple utilisé par :
- Des organismes de formation en naturopathie pour présenter leur cursus (« étude des biothérapies » …).
- Des livres (exemple « La Naturopathie pour les nuls » – Parution 2016)
Biothérapie naturelle ! Pourquoi pas ! Mais puisque le terme « biothérapie » fait maintenant largement partie du lexique médical, à mon avis, il vaut mieux totalement le supprimer du langage de la naturopathie et de micronutrition. On cessera ainsi d’entretenir une confusion.
Bruno Mairet, Ingénieur en Biochimie, consultant et formateur en Santé Fonctionnelle
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